Promesse électorale d’Emmanuel Macron en 2016, la réforme des retraites peine à voir le jour. Déjà abandonnée en 2019, sa deuxième version se heurte une nouvelle fois à une très forte opposition, avec 66% de la population se disant “opposés” à cette réforme. En repoussant l’âge minimum légal du départ à la retraite à 64 ans et en s’attaquant aux régimes spéciaux, le projet de loi plonge de nouveau le pays dans une succession de grèves. Au-delà de la nature intrinsèquement sensible de cette réforme, celle-ci s’inscrit également dans un contexte de méfiance vis-à -vis du gouvernement Borne, qui n’a eu de cesse d’imposer ses propositions de loi contestées à grand renfort de 49.3. Conscient de l’opposition à laquelle il fait face, l’exécutif a fait appel à l’article 47.1 de la Constitution, qui limite la durée des débats entre le Sénat et l’Assemblée nationale à 50 jours. Bras de fer politique qui se joue dans l’Hémicycle comme dans la rue, à quoi peut-on s’attendre pour l’évolution de cette réforme?
Le système actuel
Pour l’heure, le système de retraite en France est le suivant. Chaque mois, des cotisations sociales sont prélevées sur le salaire des actifs. Ce sont ces cotisations qui alimentent les caisses de retraites, à partir desquelles les pensions des retraités sont payées. Si l’âge du départ à la retraite tient une place centrale dans le débat, deux notions doivent être considérées: l’âge légal du départ à la retraite d’une part, et la durée de cotisations de l’autre. En effet, c’est la durée de cotisations qui importe dans le calcul des pensions, car c’est elle qui permet de percevoir une retraite à taux plein. Aujourd’hui, pour toucher une retraite à taux plein, un salarié doit être âgé au minimum de 62 ans, et avoir cotisé 41 ans et 9 mois. Une des mesures phares de la réforme est d’augmenter cette durée de cotisation à 43 ans. Il existe quarante-deux régimes de retraites, dont onze sont dits spéciaux, tels que ceux de la fonction publique, la SNCF, ou les notaires.
La réforme en bref : quels sont ses objectifs principaux?
Selon Emmanuel Macron, l’objectif premier de la réforme est d’assurer la continuité du système de répartition actuel, dont le bon fonctionnement requiert un équilibre entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants. Pour l’exécutif, le vieillissement de la population met en péril la pérennité du système, car il dégrade le ratio entre nombre de bénéficiaires d’une pension et nombre d’actifs contribuant au financement du système de retraite. Le déséquilibre entre le montant de pension payé et les cotisations ayant vocation à les financer est à l’origine de ce que l’on nomme le “déficit des retraites”, que le gouvernement estimait à 13 milliards d’euros en 2020. Dans sa forme initiale, la réforme des retraites avait vocation à générer, à l’horizon 2030, une amélioration annuelle de 17,7 milliards d’euros de la trésorerie du système des retraites.
C’est donc dans l’optique de pallier ce déficit que le gouvernement souhaite repousser l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans. Il augmenterait ainsi le nombre d’actifs, tout en réduisant le nombre de pensions à fournir. Selon le Sénat, cette mesure permettrait d’améliorer le solde financier des systèmes de retraites de 13,6 milliards d’euros en 2030. Ce calcul déplaît toutefois à nombre de Français, qui considèrent qu’il existe d’autres solutions pour résorber ce déficit.
La fin des régimes spéciaux
La réforme ne s’attaque pas uniquement à l’âge du départ à la retraite, mais également aux régimes spéciaux. Parmi les onze régimes spéciaux, l’Assemblée nationale vient de voter pour en supprimer cinq. Par mesure d’équité, ceux-ci rejoindront le régime classique. Les “nouveaux salariés” de la SNCF et de la RATP perdront leurs avantages à compter de septembre 2023, avantages dont bénéficiaient leurs prédécesseurs pour compenser leurs conditions de travail pénibles, et qui, selon les partisans de la réforme, n’ont plus lieu d’être. En conséquence, dans ces deux entreprises, l’âge légal de départ à la retraite passe de 56 ans à 64 ans. La perspective de la modification du statut des cheminots est à l’origine de l’ampleur des récentes grèves des transports.
Pourquoi la réforme est-elle si contestée?
Tout d’abord, la réforme des retraites est perçue comme injuste à de multiples égards. 55% des Français estiment que ce sont les plus modestes à qui la réforme demande de fournir le plus grand effort. Elle affecte également plus les femmes, qui, du fait des congés maternité, devront travailler plus tard pour atteindre la nouvelle durée de cotisation requise. Par ailleurs, en reculant l’âge du départ à la retraite, la réforme pénalise celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt. Néanmoins, celles et ceux qui sont entrés dans la vie active avant vingt et un ans auront le droit à un départ anticipé de deux ans. Enfin, avec la difficulté pour les seniors de maintenir un emploi, certains doutent de l’utilité de cet allongement.
La gauche et les syndicats reprochent à la réforme de ne pas avoir fait le choix de l’augmentation des charges patronales, sous couvert de limiter la hausse du coût du travail. Par ailleurs, l’opposition et les milieux populaires déplorent que le gouvernement n’ait pas opté pour une imposition spécifique des superprofits. La droite, quant à elle, qui doute de l’urgence de cette réforme, est toutefois plus indulgente envers le gouvernement. Ce dernier sait qu’il doit tenir compte des demandes des Républicains s’il veut pouvoir compter sur leur soutien lors du vote de la réforme. Le gouvernement Borne et le chef de l’État, eux, dénoncent de “bas calculs politiques” de la part de nombreux parlementaires, lequels, à travers leurs amendements, visent à entraver le débat autour du texte avant la date butoir du 17 février.
Une chose est certaine, les 20 000 amendements déposés et le million de personnes mobilisées dans les rues montrent l’ampleur des concessions que le gouvernement va devoir faire s’il veut voir sa réforme votée, mais aussi… acceptée.
Edited by Marine Matsumura
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